02 Jun
02Jun

L’empathie est le fondement même de l’humain, de l’humanité, de ses peuples et de ses communautés. Sans empathie, l’univers deviendrait cruel et froid. L’empathie, c’est la capacité de s'identifier à autrui dans ce qu'il ressent.

Ce jour, comme tant d’autres, une nouvelle m’émeut au plus haut point. Le sort des salariés de la Fonderie de Bretagne à Caudan. Dans la tourmente de la menace planante de licenciements, de la fermeture de leur usine, on leur a laissé caresser l’espoir d’une reprise de leur outil de travail ces derniers jours. On a assisté à des scènes de joie, des pleurs de soulagement, des accolades à en faire oublier ce confinement et cette distanciation « sociale » (tiens donc !) aux résultats discutables. L’humain l’emportait, l’espoir les avait fait revivre… Jusqu’à l’annonce glaçante du président du groupe Renault, Jean-Dominique Senard, affirmant lors du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, dimanche 31 mai, que « cette entreprise n’a pas vocation à rester dans le groupe Renault ».

Imaginez la souffrance des salariés après dix jours de ballotage entre fermeture et espoirs variables d’un avenir plus rassurant… Moi, je la vis cette souffrance et je ne m’en porte pas plus mal car je me sais Homme.

La directrice générale par intérim Clotilde Delbos aura beau justifier ces abandons d’humains par « l’année difficile pour Renault » quand bien même des milliards sont brassés, je ne comprends pas cette transcendance de la rentabilité sur le sort d’êtres humains. L’empathie l’emporte et de très loin car ce sentiment m’est logique et prioritaire sur tous ces concepts de profits qui me dépassent complètement. Renault est loin de déposer son bilan et n’a aucune raison de mettre au chômage ceux qui font les profits du groupe et le gros salaire de Carlos Ghosn de toute manière ! Ce processus relève d’un cynisme sans nom.

Ecoutez bien désormais, j’avoue perdre cette empathie vis-à-vis des dirigeants qui n’en manifestent pas, comme envers toute personne faisant montre d’un tel manque d’humanité ; cet ensemble de vertus que l'on prête à l'homme, telles que la bonté, la générosité, le sens de l'équité.

Cela me renvoie à la vie quotidienne, à ces individus responsables d’actes de  cruauté envers les êtres vivants ; à ces personnes entraînant des ruptures brutales sans explications, laissant un conjoint, des enfants, des proches dans l’incompréhension et une forme de deuil irréalisable ; à ces lynchages publics et l’émulation qui s’en suit entre vautours qui cherchent à exister par l’anéantissement d’autrui…

Alors, j’essaie toujours de nuancer, de comprendre ce qu’ont pu vivre ces personnes pour en arriver à non seulement ne plus montrer d’empathie mais, plus encore, à faire du mal volontairement. Ne sont-elles pas elles-mêmes des êtres humains à l’origine ? Leurs blessures supposées justifieraient-elles qu’elles aient verrouillé leur cœur jusqu’à assouvir leur misérable « puissance » dans la souffrance infligée à autrui ? J’ai beau tourner ça dans tous les sens, il arrive un moment où ce fait éblouissant l’emporte : l’inhumain menace l’humanité. Il s’agit bien d’un fait ; il est ainsi pour le coup indiscutable. Ces femmes et hommes muent en monstres froids ne représentent-ils pas désormais des dangers ? L’Histoire montre que si. Par extrapolation, ne craignons pas de penser à ces millions d’innocents morts dans des guerres au nom de la patrie ou de pseudo-intérêts collectifs quand ces innombrables victimes sont parties dans le désespoir, la douleur, l’effroi, l’insondable chagrin d’être sacrifiés sur l’autel d’intérêts personnels ou financiers d’une poignée de bourreaux.


Doit-on pardonner ?

Je n’ai pas eu d’éducation chrétienne. Le « grand pardon », ce n’est pas mon truc. Surtout quand « pardon » et « oubli » deviennent synonymes. Je le saisis bien, le respecte comme j’entends parfaitement que cela soit un besoin pratique, une réponse à la rancœur à titre d’exemple. Certes, la Raison me dicte que la rancune est inutile, elle ronge. Or, par-dessus tout, le pardon ne répare rien. Ça se saurait ! J’ai appris par moi-même différents dogmes religieux, j’ai voulu comprendre (la Bible catholique, protestante, le Coran…), j’ai lu attentivement les différents dogmes politiques et ce qui l’en ressort est ma méfiance accrue des lois dictées, jetées à la face du peuple comme des vérités immuables et indiscutables. Ô combien les Anciens Celtes brillaient par leur refus des écrits figés ! La bonté aura-t-elle eu raison d’eux justement ?

Toute réflexion faite, je préfère confier mes pensées sincères à ces femmes et hommes qui se sont battus pour les autres et qui malgré le sacrifice de leur existence ont été jetés en pâture dans les médias par des politiques et les maîtres des finances. Ces derniers dans leur basse besogne qualifient facilement de terroristes les Justes et arrivent à avoir l’adhésion massive de l’opinion. Ces censeurs autoproclamés manient parfaitement l’art de… la manipulation face à des générations de guerriers libres qui ont parfois été très loin dans le don de soi, le sacrifice individuel, pour protéger les leurs, sans pour autant répondre à des dogmes. Ces « terroristes » qui ont défendu des valeurs humaines, qui ont préféré l’action radicale par empathie… Et oui, ce n’est point antinomique. Ils ont de tout temps cru en l’être humain, ils aiment l’humanité de tout leur cœur mais aussi par Raison. D’aucuns penseront que je vais trop loin. C’est normal, ma position rebat les cartes de concepts bien installés, inébranlables voire imprescriptibles. Songez un seul instant aux terroristes d’hier devenus les Résistants et les héros d’après-guerre ! Tout est une question de recul.

En effet, tout est à nuancer, même mon présent propos. La Raison et le temps nous feront juger, si nous survivons à tout ça. Oui, juger ! Il n’est pas interdit d’estimer, de comprendre, de discerner et d’avoir un avis. Tout cela est juger en dépit des interdictions dogmatiques qui nous ont appris à nous empêcher de prononcer des avis et d’avoir cette capacité de jugement, non confiée à un magistrat ou à un dieu. Juger par soi-même n’implique pas pour autant une quelconque sentence issue de ce jugement personnel et qu’il n’y ait une quelconque exécution directe sur autrui ou la société dans sa globalité. C’est la somme de tous les jugements et des interactions entre penseurs (nous sommes toutes et tous des penseurs) qui constitue la raison collective, encore faut-il qu’on lui donne les cadres nécessaires pour qu’elle se réalise.

Certes, c’est encore une fois mon cœur qui a écrit, sans relecture. C’est mal ? Pourtant, je n’en n’oublie pas pour autant de me laisser guider par la logique, l’attachement à la démarche scientifique pour saisir au plus près l’essence même de l’Humanité : la survie collective n’est pas seulement un instinct, elle est animée par ce moteur qu’est l’empathie. C’est une force et non une faiblesse. Le faible aurait tendance à en être dépourvu.

Plusieurs personnes vont s’identifier dans ces lignes, à différents degrés et sous différents angles d’approches conceptuelles, spéculatives, abstraites parfois, apparaissant de manière très réelle pour d’autres par un effet miroir… Certains vont peut-être souffrir de lire ces lignes, se sentir visés, et c’est un signe plutôt positif. Personnellement, l’empathie ne me pollue pas, elle me fait vivre dans l’espoir d’un monde meilleur. Quand elle fait défaut chez un être, j’aurais tendance à vouloir me « dépolluer » de son existence par le remède radical de souhaiter de tout cœur de l’’écarter de la société. Et là, on me renverra probablement que « je manque de cœur » ! Un contraste étrange… que j’assume.


Bertrand Deléon.

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