Sur sa page Facebook, François Goulard, Président du Conseil départemental du Morbihan, ancien Député, maire de Vannes, Secrétaire d’Etat aux Transports et à la Mer et Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, exprime son avis quant à la perte de performance de l’Education Nationale. L’ancien ministre de l’Enseignement supérieur estime que les écoles publiques doivent calquer leur modèle hiérarchique sur celui des établissements privés. En effet, le taux de réussite au baccalauréat est supérieur avec, rappelle t’il, des moyens financiers en-deçà du public. Cet « écart de performance » reposerait selon lui sur l’unique chef d’établissement, investi dans le privé « d’un vrai pouvoir de direction ».
Il semble effectivement logique qu’un établissement structuré, dont les compétences sont mises en commun et optimisées, soit plus performant, voire plus « compétitif » au sens libéral du terme cher à un élu ex-UMP, renommé LR. On retrouve dans ces propos la dialectique de l’engagement « responsabilisant » du privé face à la « bureaucratie nationale » pour le public.
Or, quand est-il vraiment ?
M. Goulard affirme que « Les enseignants sont choisis par l’établissement dans le privé ». Il n’en n’est rien : la plupart des enseignants du privé passe le concours de professeur des écoles pour l’école maternelle et primaire ou le CAPES pour enseigner dans le secondaire. Les stagiaires choisissent simplement leur orientation vers le public ou le privé avant de passer le concours. Leur affectation est celle de tous les titulaires d’un diplôme de la Fonction Publique, basée sur le nombre de points liés à l’ancienneté, le rapprochement familial et leurs souhaits d’affectation géographique.
Par ailleurs, rares sont les directrices et les directeurs qui choisissent de l’être. Surtout dans le privé où il n’y a pas d’ancienneté obligatoire avant de prendre ces fonctions, aux hautes responsabilités, indemnisées et non réellement rémunérées. La direction publique d’un établissement scolaire bénéficie quant à elle de l’appui des mairies pour la maternelle et le primaire, du Conseil Départemental pour le collège et de la Région pour le lycée. Cette direction traite directement avec les représentants de l’Etat. Pour le privé, la direction répond à la direction générale, diocésaine pour les écoles confessionnelles, et doit composer avec les associations de gestion parentale. Il n’est pas certain du tout que la direction privée ait plus de pouvoir que dans le réseau public. Les établissements privés sous contrat avec l’Etat doivent répondre aux mêmes exigences que ceux du public concernant les programmes, le contrôle des enseignants par des inspecteurs de l’Education Nationale, la sécurité, l’organisation du temps scolaire et la répartition des horaires, l’application des dispositions votées par le Conseil d’Ecole, etc.
Le taux de réussite est-il réellement meilleur dans le privé ? Aucune étude ne tient vraiment compte du taux d’accès de la 6ème au baccalauréat. Le privé réorienterait-il plus en classe de 5ème, 3ème ou en seconde ? Rien ne le prouve mais cette réorientation n’en serait pas moins objective. Quel est l’intérêt de conduire le maximum de jeunes vers un baccalauréat général quand nombre de filières professionnelles déboucheront sur des métiers bien mieux rémunérés que ceux du marché du travail à l’issue des études universitaires post-bac, en faculté.
« Il n’existe aucune ségrégation sociale dans le privé ». M. Goulard se base sur ce postulat pour comparer deux situations qu’il juge donc homogènes afin d’en venir aux conclusions précitées. Nous savons pourtant qu’il y a bien un coût d’inscription et de participation aux frais de fonctionnement. Il s’agit incontestablement d’une première sélection dans l’admission dans les écoles privées confessionnelles ; le devoir d’accepter tous les enfants et jeunes gens n’est applicable qu’au public. Par ailleurs, toutes les études démontrent que « les catégories favorisées » accèdent plus nombreuses au baccalauréat. En prenant les extrêmes en termes d’accès au baccalauréat, on peut imaginer l’influence dans la moyenne des lycées publics de zones prioritaires face à celle où sont comptabilisées les « boîtes à bac » privées. Bien sûr, l’écart est moindre dans les « catégories moyennes » et surtout en Bretagne où le nombre d’élèves du privé et du public sont culturellement au coude à coude, mais ce n’est qu’enfoncer une porte ouverte de l’affirmer. De grands lycées publics, tel Alain-René Lesage à Vannes, qui a souvent compté plus de 2000 élèves, ont de tout temps été des « usines » à bac… qui fonctionnent plutôt bien et dont les enseignants ont le mérite de travailler « sans filtre ». Peut-être que l’erreur est dans l’orientation mais cela n’explique pas pour autant la « régression » globale mentionnée par M. Goulard en regard des autres Etats de l’OCDE.
Alors, il faut chercher ailleurs, regardons là où les niveaux sont les plus bas et osons parler sans langue de bois. La France crée des territoires paupérisés par son centralisme ou encore par l’immigration alors qu’elle n’arrive à intégrer ni culturellement, ni par le marché du travail. Parlons aussi des effectifs par classe ; acceptons de discuter des méthodes et des programmes ! Sur ce dernier point, les programmes sont de plus en plus denses et diversifiés, parfois aux objectifs vagues dès la maternelle. Or, n’en n’oublierions-nous pas les fondamentaux que sont lire, écrire, compter ? C’est sûrement le préalable avant d’offrir toute spécialisation dans les études. Enfin, l’école est-elle bien adaptée au marché du travail ? De nombreux professionnels s’étonnent que des jeunes ne soient pas formés dans les secteurs embauchant.