B.D. : Souvenez-vous, c’était le 31 octobre 2018, Vannes Golfe Habitat faisait expulser Françoise Le Clanche à quelques heures de la trêve hivernale. Ce jour-là, un huissier épaulé par la police venait procéder à l’enlèvement de ses biens. Nous étions une poignée de bénévoles à l’aider à conserver quelques biens vitaux, les déménager vers des hébergements provisoires, pour elle et ses animaux. Presque deux années sont passées et Françoise subit toujours une situation toujours aussi humiliante et inhumaine.
Bonjour Françoise, pouvez-vous nous retracer ces longs mois que vous avez passés d’un logement à l’autre grâce à la solidarité sans faille d’une poignée de personnes. Vous avez aussi des soutiens moraux à Vannes, notamment les personnes qui ont dû passer les mois d’hiver sans chauffage, sans commodités et sans intimité dans les deux résidences alors en rénovation très tardive : Avel dro et Montaigne.
F.L.C : À la suite de l'article du Télégramme, qui relate aussi les propos à charge de l'office public HLM Vannes Golfe Habitat, je remets les pendules à l'heure afin que la situation soit bien claire pour les personnes qui me soutiennent.
Il n'y a rien de nouveau par rapport à ma déclaration à un journaliste de RTL, venu de Nantes le 31 octobre 2018, une heure après mon expulsion à 12 heures de la trêve hivernale, afin de m'interviewer pour l'édition du soir. Sinon que je suis toujours sans domicile, alors que je suis prioritaire depuis 2014, et plus encore du fait que je suis sans domicile fixe depuis le 31 octobre 2018.
Je suis arrivée à la résidence Montaigne en octobre 2011. Au fil des jours et des semaines, des vices cachés ont été constatés dans l'appartement (T3) avec un appareil de mesure infrarouge et des problèmes dans les parties communes, que j'ai signalés à Vannes Golfe Habitat (VGH). Après une visite de l'appartement, l'office m'a dit et écrit qu'il ne ferait rien.
En février 2012, j'ai donc fait une demande de relogement. Elle a été acceptée en mars 2012 (T2). L'office ne m'a rien proposé depuis, malgré mes renouvellements annuels et le fait que je sois prioritaire depuis 2014.
J'ai essayé de régler les choses à l'amiable, mais ai dû me résoudre à demander l'intervention de ma protection juridique. A qui l'office a répondu que rien ne serait fait.
Expertise demandée par mon assurance puis par le Tribunal. Ces deux visites se sont effectuées sans appareils de mesure (à l’aide d’un stylo et d’un carnet, tout simplement).
Au vu des sommes monstrueuses (on est arrivé à 119 € par mois, pour 70 m2 !) réclamées pour le chauffage, collectif et limité à 19 degrés, j'ai décidé d'en payer seulement une partie (mon avocat informé). VGH a déposé le dossier au Tribunal, qui m'a condamnée à payer les sommes. J'ai fait appel. J'ai été déboutée !
J'ai décidé alors de faire effectuer un constat d'huissier, qui a eu lieu en janvier 2016. Les vices cachés et la vétusté ont été constatés.
Par ailleurs, en janvier 2016, mon APL a été diminuée (258 € à 58 € ; elle sera supprimée en janvier 2017 en raison de la liquidation définitive de ma retraite fin janvier 2015). J'ai prévenu VGH des problèmes de paiement qui se présentaient, espérant que celui-ci agirait enfin pour le T2, remplissant ainsi sa mission de bailleur social (elle ne consiste pas seulement à encaisser des loyers !). Il ne l'a pas fait. Il a laissé la situation se dégrader ("j'osais" défendre mes droits de locataire, ce qui, pour VGH, est un crime de lèse-majesté).
En décembre 2016, l'office réclame mon expulsion. L’audience est le 9 février 2017. Je présente mon dossier moi-même puisque ma protection juridique est épuisée et que je n'ai donc plus d'avocat. Le jugement est prévu pour mai 2017.
Le 24 février, une évaluation sociale détaillée, comportant les montants des charges locatives, est établie pour être envoyée au juge afin que celui-ci puisse rendre son jugement en toute connaissance du dossier.
Cette évaluation est envoyée à la préfecture par le chef de service de l'assistante sociale début mars. Elle ne sera jamais adressée au juge (après avoir reçu le jugement j'ai écrit au préfet, en R + AR, afin de savoir pourquoi elle n'avait pas été envoyée au juge : j'attends toujours la réponse ; or nous sommes en juillet 2020 !).
Le 5 mai 2017, je suis condamnée à être expulsée. Expulsion lancée par VGH en juillet, après le délai légal.
En juin 2017, soit un mois après ce jugement, les locataires de Montaigne reçoivent une lettre de deux pages de VGH annonçant la réhabilitation de tous les appartements et les parties communes, et reprenant tous les problèmes que j'ai mentionnés par oral et par écrit au juge.
En septembre 2017 puis en mars 2018, le Juge de l'Exécution (à qui j'avais remis un relevé financier par rapport à l'office, prouvant mes versements malgré ma situation) refuse mon expulsion.
Après 7 années d'immobilisme, soudain, en juin 2018, Vannes Golfe Habitat, craignant certainement une 3ème audience auprès du Juge de l'Exécution, me propose un logement à La Bourdonnaye.
La vétusté est encore pire qu'à Montaigne (résidence bâtie en 1955 !), halls squattés, notamment par des trafiquants de drogue. Un article du Télégramme paru en mai 2019 mentionne des tirs à balles réelles et des blessés à l'arme blanche. Durant l’automne 2019, la police et les douanes sont intervenues concernant le trafic de drogue à cet endroit des résidences du Square de la Bourdonnaye. Des appartements ont été visités et une personne recherchée a été arrêtée.
J'ai bien sûr refusé ce logement. J'ai encore des projets pour ma vie sur terre, et me faire trucider n'en fait pas partie ! Or, dans une procédure d'expulsion, lorsque l’on refuse un logement, plus aucun délai n'est accordé. Aussi, en octobre 2018, le Juge de l'Exécution a ordonné mon expulsion.
Le préfet a donné son accord pour le concours de la police le 29 octobre, pour une expulsion le 31 octobre, à 12 heures de la trêve hivernale.
B.D. : Et c’est à ce moment que je vous ai rencontrée d’ailleurs. Pouvez-vous rappeler ce qu’il s’est passé depuis votre mise à la rue par VGH et la Préfecture ?
F.L.C. : - Depuis le 31 octobre, je suis hébergée avec mes minous par des personnes qui se sont manifestées dès qu'elles ont appris mon expulsion ou qui l'ont suivie sur Internet. J'ai, bien sûr, renouvelé ma demande de logement, comme chaque année, mais auprès de Bretagne Sud Habitat. A ce jour, je n'ai pas eu de proposition (tous les offices HLM ont un écran commun), alors que je suis prioritaire depuis 2014, je le répète. Par ailleurs, mon APL a été rétablie le 1er janvier 2018, mais elle est suspendue par la CAF, ce qui porte préjudice aux deux parties, ainsi que l'a écrit le Juge de l'Exécution.
Le 20 décembre, la commission DALO (Droit Au Logement Opposable) a refusé ma demande de logement, car Vannes Golfe Habitat, qui siège, a déclaré que l'office m'avait proposé un logement à La Bourdonnaye et que je l'avais refusé ! Tout le monde s'est incliné.
Je tiens à préciser que, grâce à des bonnes volontés bénévoles, que je remercie encore, j'ai pu récupérer mon mobilier et mes affaires avant le 30 novembre (ils sont désormais en sécurité chez des soutiens), sinon ils auraient été vendus aux enchères ou détruits. VGH les avait entreposés dans un réduit, situé dans une cave insalubre et humide de Kercado.
Le 27 mars 2019, j'ai adressé une lettre R + AR à l'huissier de Vannes Golfe Habitat, suite à son courrier "Ecopli ordinaire", lui demandant de me faire parvenir les justificatifs des sommes réclamées par VGH, le relevé des APL versées à l'office depuis janvier 2018 (ou qui le seront, puisque la CAF les déclare "suspendues" en raison du litige) et l'interrogeant sur les frais d'expulsion facturés par l'office dans son compte de clôture de location.
Aucune réponse à ce jour.
Voilà les faits !
B.D. : Sur ces faits et les souffrances vécues par les résidents d’Avel Dro et Montaigne, j’avais également adressé un courrier à M. Bellego, alors président de VGH, vice-président de Golfe du Morbihan – Vannes-Agglo en charge du logement, conseiller municipal de Vannes. Ma lettre est aussi restée sans réponse…
F.L.C. : Par-dessus tout, je souhaite remercier les personnes qui m'ont hébergée depuis l’expulsion. Nous n'en pouvons plus ! Je remercie également celles qui m'aident pour les déplacements quotidiens. Toutes les personnes qui se sont manifestées car elles refusent de rester passives en voyant la société se déliter.
Le 12 juin 2019, j'ai laissé un message concernant les justificatifs à ce sujet sur la boîte vocale du "responsable des expulsions" de VGH ; je l'avais déjà appelé en avril/mai.
Aucune réponse à ce jour non plus.
Merci à toutes celles et tous ceux qui refusent de pratiquer le "Courage ! Fuyons !"
B. D. : Et quelle est votre situation actuelle ?
F.L.C. : J’occupe une studette dans un camping depuis le 17 août 2019. Les propriétaires sont très gentils.
Mais depuis le déconfinement les réservations saisonnières reprennent. Et ils ont besoin de la studette, pour le 17 juillet, dans 10 jours.
Je rappelle que VGH a obtenu mon expulsion le 29 octobre 2018 pour une expulsion 12 heures avant la trêve hivernale, le 31 octobre 2018. Depuis je suis sans domicile fixe, alors que je suis prioritaire depuis 2014 (senior).
B.D. : Merci Françoise, je continuerai à suivre la situation de près et en informer l’opinion. Ce qui vous arrive est révoltant.